Quand le sage montre la lune, Son Pépère regarde le doigt

Quand le sage montre la lune, Son Pépère regarde le doigt
Sur les pages de ce site, Son Pépère vous présentera ses réflexions sur le monde et ses dépendances. Il vous fera partager ses expériences de la vie courante, mais aussi ses recettes de cuisine et ses humeurs. D'avance, Son Pépère présente au lecteur éventuel ses excuses pour les idées qu'il aura affichées comme originales, mais qui ne seront peut-être que des banalités.

jeudi 12 juillet 2012

Le retour de la veuve?



Son Pépère a suivi la campagne présidentielle avec intérêt, comme tout bon citoyen. Il aurait pu faire des propositions intéressantes à un candidat cherchant à améliorer son score. Quel dommage qu'il ne les ait pas publiées à temps!
Jacon, fidèle secrétaire.

La peine de mort a été abolie dans notre bel hexagone par un gauchiste aujourd'hui disparu. Tout comme ses semblables, le personnage n'a eu pour buts que d'encourager le crime et stigmatiser les victimes en confortant les voyous. On disait même qu'il prétendait voler les économies des braves gens pour les donner aux paresseux. Son époque est aujourd'hui révolue et le temps est venu de rétablir le châtiment suprême après trois décennies d'erreur. Bien entendu, le lecteur l'aura pressenti, il n'est pas ici question d'un retour stérile à des pratiques périmées. Nous ne manquerons pas en effet d'améliorer tout à la fois le concept et l'application de la peine en les adaptant aux coutumes de notre cher XXIème siècle. Nous optimiserons par là même le bénéfice social de cette mesure.

Regardons tout d'abord les avantages du rétablissement.
Diverses études l'ont montré, l'effet dissuasif de la peine dite capitale n'est pas établi. On imagine que tel grand criminel, probablement illuminé, se sentira valorisé par le risque qu'il prend en risquant sa tête. Il se posera plus facilement en martyr s'il agit sous le prétexte d'une idéologie ou d'une religion. Les exemples abondent d'assassins mettant au défi la justice de les exécuter, quand ils n'ont pas préféré se laisser abattre par la police les armes à la main. On a même rapporté que Ravaillac aurait pris plaisir à être démembré en place publique;
Pourquoi alors remettre l'échafaud en service? La réponse est simple : si la mesure est susceptible de faire grimper dans les sondages l'homme politique qui proposera une telle mesure, c'est parce qu'elle fait plaisir à nombre de braves gens qui composent l'électorat. La peine de mort redevient nécessaire puisque l’arène avec ses gladiateurs n'a fait place qu'à de pâles copies télévisées, la corrida est menacée même en Espagne et les massacres exotiques ne nous émeuvent plus qu'épisodiquement. Quant aux spectacles sportifs, l'argent et le dopage en ont fait passer la mode. De franches mises à mort nationales, sans malice et sans fard ont donc bien toute leur place. On aura soin de les justifier sous le prétexte de voir les victimes vengées et leur familles consolées pour complaire aux beaux esprits. On se gardera de mentionner que la souffrance des victimes et leurs proches est tout aussi délectable à admirer que l'exécution d'un assassin, parce que notre société reste empêtrée dans des valeurs étriquées ; c'est ainsi que le mépris de nos semblables, le moyen de leur nuire et de les savoir dans la peine font partie de ces plaisirs trop peu exploités et si mal mis en valeur.
Bienvenue donc à l'échafaud !


Circonscrivons maintenant le domaine d'application :
Il importe - qui s'y opposerait?- d’établir des barrières sévères à ce dispositif qui, ne l'oublions pas, touche à la vie humaine, afin d'en éviter des dérives trop prévisibles. Nous allons donc proposer une liste des criminels concernés. N'oublions pas que, si le prétexte de ce retour est d'ordre judiciaire, cela ne doit pas interdire d'inscrire aussi parfois des coupables qui, par leur statut ou leur caractère, pourraient faire l'objet d'une exécution exemplaire, propre à combler d'aise nombre de braves électeurs quelle que soit l'importance du crime commis. Pour une tâche si conséquente, Son Pépère (PPR) s'est fait aider de Jacon (JC), son fidèle secrétaire, afin de n'oublier personne.
-PPR : comme aux temps anciens des apaches , on pourrait réserver la peine de mort à ceux qui ont tué des membres des forces de l'ordre dans l'exercice de leurs fonctions.
-JC : oublieriez-vous, Son Pépère, les assassins d'enfants ?
-PPR : en effet, ajoutons aussi ceux qui en abusent sexuellement
-JC : pensez-vous qu'on puisse laisser de côté ceux qui s'en prennent aux personnes âgées, tant à la sortie de la messe que dans leur logis?
- PPR : et pourquoi tergiverser, tous ceux qui ont pris la vie d'autrui volontairement.
- JC : ou simplement par maladresse ! et ceux qui, se croyant à l'abri au volant de leur voiture mal entretenue ou volée, fauchent vieillards et enfants sans distinction?
- PPR : et ceux qui, par leur conduite irresponsable, sous l'emprise de l'alcool ou du cannabis, mettent en péril leurs concitoyens, perdant par là-même leurs points de permis de conduire!
- JC : et les voleurs à la tire, qui salissent l'image de notre beau pays auprès des touristes étrangers?
-PPR : soit, mais alors, si un voyou subtilise le cyclomoteur d'un père de famille qui, afin d'aller travailler et nourrir sa famille, a économisé pastis après pastis pour s'offrir ce modeste véhicule, peut-on se contenter de le laisser pourrir en prison?
- JC : bonne idée, et si un jeune n'a rien fait d'autre que se livrer à la pratique répugnante de mettre sa casquette à l'envers?
- PPR : Jacon, vous allez trop vite en besogne et je préfère arrêter ici. Dans quelques temps peut-être, quand la profession de bourreau aura atteint son apogée, qu'il sera nécessaire d'innover pour lui donner un nouvel élan, nous pourrons faire évoluer la liste des exécutables en instaurant un permis de grâce à points où, en fonction d'une tarification méticuleuse, seront inscrites à charge des incivilités à l'apparence banale telles que la casquette inversée, les fautes d'orthographes, les chaussettes de sport dans des chaussures de ville, les cigarettes sur les quais de gare et autres surcharges pondérales. En attendant, contentons-nous de la liste élémentaire que nous venons, vous et moi, d'élaborer.

Appliquons la sentence dans un cadre adapté à notre temps.
Petit matin blafard, verre de rhum, assistance indigente, une mise scène aussi minimale ne suffit plus à satisfaire les objectifs du châtiment suprême. Pire, rétablie en l'état, l'exécution contribuerait à ridiculiser l'institution judiciaire. Réactiver la peine capitale, ne l'oublions pas, n'a pour but que de satisfaire les braves gens; le catimini n'est donc pas de mise. Si les États-Unis ont su donner un peu de saveur à la cérémonie en mettant en scène l'éventualité d'une grâce, et en y invitant les victimes ou leur famille, il est possible -une fois n'est pas coutume, de dépasser nos amis d'outre-atlantique.
Voici comment on pourrait donner de l'éclat à l'échafaud :
S'il est nécessaire de laisser la justice siéger dans la sérénité, c'est une fois le jugement final prononcé que l'on confierait la suite des opérations à une société de production de spectacles télévisés. Élargissant le champ de thèmes trop souvent rebattus, une nouvelle émission de "télé-réalité", comme il est convenu de nommer le genre, mettrait en scène une compétition publique entre les condamnés. Chaque semaine, le public choisirait qui doit "quitter" l'émission. On pourrait même assortir le type de supplice à la personnalité du candidat. Les décisions seraient prises en fonction de son comportement mais en tenant compte de l'avis d'un jury spécial et des appels téléphoniques du public.
Les professionnels de l'audiovisuel n'ont pas besoin de conseils; ils sauront très bien réunir les ingrédients nécessaires au succès des épisodes télévisés, et nous nous bornerons à en évoquer les idées directrices :
Réunis dans une prison modèle, les condamnés parleraient entre eux de leur vie passée, compareraient leurs forfaits et confronteraient leurs expériences. A intervalle régulier, chacun d'eux expliquerait ses motivations et ses états d'ame devant la caméra. Tous les samedis, à une heure de grande écoute, les téléspectateurs voteraient par téléphone pour désigner celui qui verrait sa sentence exécutée. Pour parfaire son jugement, le public aura vu préalablement les témoignages des gardiens, du jury et de son président, des familles des victimes et d'un prêtre.
La série pourrait s'appeler :"Couloir de la mort" ou, mieux, "Death row". L'animateur devra prononcer "dice ro", en faisant mine de s'appliquer douloureusement car une personnalité ne reste vraiment populaire qu'en faisant la preuve de son ignorance de la littérature et notamment des langues étrangères. S'il a la malchance d'être anglophone, l'animateur devra s'entraîner où céder sa place. 


Quant au cadre, on pourra faire confiance à l'imagination des professionnels pour trouver le lieu idéal : une forteresse moyenâgeuse sobrement modernisée conviendrait parfaitement, tout comme les ruines du regretté bagne de Cayenne, Pourquoi pas le fort Boyard s'il est disponible? Des caméras seraient installées partout, jusque dans chaque recoin.
Les condamnés, on le comprendra, devront faire l'objet d'une sélection préalable . On ne peut éviter en effet d'éliminer de ce spectacle les criminels trop frustes et les malades mentaux, qui ne manqueraient pas d'altérer la qualité des dialogues, rebuteraient les annonceurs publicitaires et pousseraient les éléments les plus sensibles du public à douter du bien-fondé de la condamnation. Les candidats les plus fragiles seraient donc rendus à l'institution judiciaire, et remplacés par une doublure, à moins qu'un entraînement spécial ne les mettent en état d'afficher eux-mêmes, avec une conviction suffisante, un niveau convenable de mauvais instincts ou de repentir spectaculaire. On privilégierait les assassins les plus endurcis, comme les pervers militants et les sadiques mais aussi les passionnels émotifs afin d'attirer le plus vaste public.
Le pseudo-personnel pénitentiaire se composera de volontaires de tous sexes choisis à l'issue d'épreuves éliminatoires privilégiant un physique musclé et une aptitude limitée à la compassion. Leur langage aura recours autant que possible aux fautes de syntaxe courantes et sera fleuri de mots compliqués utilisés à contresens. Ils devront glisser l'adverbe "juste" dans chacune de leur phrase, mais éviteront "typiquement", terme récurrent réservé aux intellectuels.
Chaque condamné se verra affecter en fonction de sa religion un prêtre à l'aspect caractéristique : catholique, il portera soutane et marchera pieds-nus dans des sandales; musulman, il sera barbu et se revêtira d'une djellaba de chez Jacques-Luc Waltert; le bonze sera nu sous sa tunique, le rabin cultivera un accent Yiddish au couteau. Le condamné athée se verra attribué un ministre du culte commis d'office. Ces autorités religieuses seront consultées régulièrement pour éclairer l'avis du public.
Les familles des victimes seront choisies selon leurs mérites et talents. Il pourra leur être substitué un figurant en cas d'incompétence. Voyons en effet le cas de parents qui viennent d'assister au procès ; les psychiatres leur ont expliqué qu'il était nécessaire, afin de faire leur deuil, qu'ils connussent  la description détaillée de toutes les horreurs dont leur enfant a été l'objet au moment du crime. On peut envisager que, manquant de cran, ils en soient ressortis anéantis et refusent de participer. Imaginons maintenant le retraité auquel un voyou à volé puis détruit la voiturette qui lui permettait d'aller sans crainte cultiver son potager. Il est probable qu'une justice laxiste n’ait pas infligé au délinquant le châtiment tant mérité. Ne sera-t-il pas astucieux de remplacer la famille défaillante par ce brave homme plein de vigueur et de ressentiment?
Le jury de l'émission, lui, devra faire montre de tenue et de dignité. Il se composera de personnages compassés dont les propos, et sibyllins mais sentencieux , montreront la hauteur de vue et la sagacité1.
Quant au public, il sera réparti en trois catégories :
La troisième comprendra ceux qui se contentent de regarder les émissions gratuites, et téléphonent pour choisir leur préféré.
La deuxième, moyennement un abonnement, aura accès aux caméras situées dans les salles communes de la prison.
La première bénéficiera des privilèges des deux autres, avec, en supplément, le spectacle des caméras des salles de bains, des toilettes et des cellules. Le tarif sera, on l'imagine, beaucoup plus élevé.

Nous n'avons pas parlé des exécutions. Il y en aurait, pendant la saison de l'émission, une par semaine. Le concept de rétablissement de la peine étant nouveau, tout comme le jeu télévisé, il ne nous semble pas sain que l'étape finale soit librement vue par tous, au moins la première année. Aussi, pour ne pas choquer les consciences, on interdira la diffusion publique de l’événement pour la réserver strictement aux abonnés de première catégorie.

Mais laissons aux professionnels du spectacle le soin de mettre en scène les détails de l'émission, le choix des invités, les possibilités pour quelques téléspectateurs de recevoir des cadeaux tels qu'un accès gratuit à la première catégorie ou un séjour au soleil, enfin tous les ingrédients qui font le succès d'une bonne émission.

Si sa proposition voit le jour, Son Pépère aura été heureux de contribuer à initier un amusement populaire et décomplexé. La balle est dans le camp des politiques et des médias.

1 Pourquoi pas la chanteuse Erato, intelligente et distinguée, le critique gastronomique Patrick Démarreur, modeste et sympatique, le brave avocat Wilbert Millable? et bien d'autres encore. Le président? une célébrité nationale. On imagine bien à ce poste le célèbre Rugy Hallumière, en promotion pour son nouveau disque, ou Fluviale La Clanche, candidate malheureuse aux dernières élections..