Quand le sage montre la lune, Son Pépère regarde le doigt

Quand le sage montre la lune, Son Pépère regarde le doigt
Sur les pages de ce site, Son Pépère vous présentera ses réflexions sur le monde et ses dépendances. Il vous fera partager ses expériences de la vie courante, mais aussi ses recettes de cuisine et ses humeurs. D'avance, Son Pépère présente au lecteur éventuel ses excuses pour les idées qu'il aura affichées comme originales, mais qui ne seront peut-être que des banalités.

lundi 18 novembre 2013

Défendre Alain Delon



Ému par les critiques unanimes faites à l'encontre d'un homme célèbre qu'il a pris pour modèle, Son Pépère va démontrer l'innocence de son héros.


Défense d'Alain Delon
La presse s'est fait l'écho, à la fin de l'été dernier, des propos d'Alain Delon, affirmant que l'homosexualité était contre nature. Le tollé qui accueillit ces propos fut considérable. Son Pépère va montrer qu'on a fait là beaucoup de bruit pour rien.
Faisons l'hypothèse - nous en parlerons plus loin- que notre gloire nationale ait raison : l'homosexualité serait effectivement contre nature! En quoi cette assertion peut-elle se révéler infamante ? Expliquons notre point de vue par un exemple :
Chacun admettra qu'une automobile n'est pas un produit naturel; aucun être vivant ne pouvant engendrer quelqu'engin motorisé que ce soit ; prendre le volant pour aller faire ses courses est par conséquent un acte résolument contre nature. Les écologistes qui enfourchent leur vélo pour aller faire leur tiercé ne sont guère plus en phase avec les éléments, sauf à posséder une bicyclette tressée de brins d'osier. Les piétons qui n'ont pas les moyens de s'acheter des chaussures en cuir offensent encore la Providence qui les a dotés de pieds susceptibles de se racornir à la plante pour supporter les cailloux du chemin. De la même façon, l'usage des médicaments, la solidarité et bien d'autres chimères obèrent gravement la santé de l'univers en contribuant à maintenir en vie les plus faibles d'entre nous. La nature, c'est le tigre qui dévore les antilopes boiteuses, le lion qui tue la descendance de ses rivaux pour provoquer les élans d'affection de sa dame(1), ou les faibles qui meurent de faim. Alors, Son Pépère vous le demande, pourquoi s'adonner à des pratiques "contre nature" serait-il systématiquement répréhensible ? Reconnaissons qu'Alain Delon n'a fait aucun jugement de valeur; il a simplement énoncé ce qu'il pense être la vérité. Il aurait pu dire tout aussi bien : "Déjà vingt heures! comme la nuit tombe vite" sans être pour autant soupçonné de fustiger l'organisation du système solaire.
Dans la nature
Penchons-nous maintenant, même si ça n'a aucune importance, sur la conjecture d'Alain Delon : "l'homosexualité est contre nature". Son Pépère, on le sait, est un esprit scientifique et il va tenter d'apporter une démonstration suffisamment étayée en s'appuyant sur des exemples.
- Le taureau de nos pâtures a souvent tendance à solliciter les faveurs des vaches, mais aussi des bœufs ou de ses mâles alter ego. Il finit pas se satisfaire de ceux qui tolèrent ses assiduités et, l'opération accomplie, repart dans son coin ruminer tranquillement.
- Son Pépère a connu un petit chien qui, chaque fois qu'il en avait l'occasion, s'accouplait avec de pauvres agneaux nouveaux-nés et innocents, sans se préoccuper du sexe de ses victimes.
Bref, les ouvrages sur la sexualité des animaux regorgent d'exemples concordants.
Mais on pourra se demander où est la frontière du naturel? est-ce que le sentiment amoureux émane de la nature, où est-ce une production de la civilisation? Ne peut-on pas affirmer qu'en tant qu'acte sexuel, l'homosexualité est naturelle, mais que l'amour ne l'est pas, que son objet soit ou non du sexe dit opposé. On dira donc que notre Samouraï de l'écran a raison dans son affirmation, et, c'est là son génie, il aurait pu affirmer tout aussi bien le contraire sans se tromper pour autant, et qu'au reste, ça n'a pas beaucoup d'importance.
Son Pépère sent bien que les jaloux ne sont pas encore convaincus de la bienveillance intrinsèque d'Alain Delon(2).
Là encore, Son Pépère va faire preuve de pédagogie pour réhabiliter son idole.
Révélation
En bon homophobe, notre star sait bien que, si les homosexuels peuvent vivre comme les autres, si on arrête de se moquer d'eux ou de les mépriser, alors plus rien ne pourra le retenir de s'adonner à une homosexualité débridée et, abandonnant les dames, envers qui il ressent probablement du dégoût, il cessera d'enrichir l'humanité de sa descendance. Imaginerions-nous le patrimoine génétique mondial privé des chromosomes d'Alain Delon?
Mais il y a mieux : Alain Delon est si généreux qu'il prête ses inclinations à tous; il ne doute pas que, si les honnêtes gens se mettent à respecter les homosexuels, notre espèce entière cessera de se reproduire, disparaitra, et la terre entière finira par tomber sous la coupe des insectes!
Qui pourrait lui reprocher de vouloir à tout prix nous sauver? Il a sans doute tort de penser que nous sommes tous à son image, mais nous devrions certainement nous en sentir honorés.
D'ailleurs qui n'a jamais vu un brave père de famille ventripotent et rougeaud, des auréoles sous les bras, s'adresser à un jeune homme un peu efféminé qui ne le regarde même pas, pour lui dire en substance: "je n'ai rien contre vous autres, mais si tu me touches, je te passe par la fenêtre!" Il s'imagine alors faire envie à un éphèbe. Cette éventualité si peu vraisemblable cache à l'évidence une pulsion homosexuelle refoulée qui étaie les craintes de généralisation que ressent Alain Delon.

On le voit bien : sous les propos faussement malveillants de nos élites peut se cacher le souci de sauver l'humanité. Nous devons alors faire preuve de gratitude à leur égard.


1 "les faveurs de sa dame" Sous ses airs fiers et inspirés, la lionne n'est pas très futée; si en effet on la prive de ses lionceaux, elle n'a qu'une hâte, c'est d'en faire d'autres, et elle se tourne pour cela vers l'assassin de ses petits. Peut-on imaginer plus bourrique?
2 "bienveillance d'Alain Delon". Les plus rétifs se souviennent qu'il s'est affirmé jadis partisan de la peine de mort et voilà qui les chiffonne.

lundi 19 août 2013

Faut-il être Bernard ?



Grâce à une étude scientifique approfondie, Son Pépère nous emmène dans les arcanes de la science des prénoms.

Comme chacun d'entre nous, Son Pépère éprouve plus ou moins de sympathie à l'égard de ses semblables, mais, dans l'ensemble, il aime bien la majorité des gens qu'il côtoie, même ceux qui l'agacent, qu'il agace, voire insuporte. Quant aux personnages publics, ne les connaissant pas intimement, il se contente de n'avoir d'opinion que pour ce qui les rend célèbres, c'est pourquoi ils sont exclus du propos de cet article.
Pour ne pas paraître falot, Son Pépère avait toutefois besoin d'ennemis. En se forçant un peu, il a admis qu'au cours de sa déjà longue vie, il avait eu affaire à trois personnes qu'il déteste. C'est sans doute trop peu, mais il s'en tient là, craignant qu'au delà, il ne contracte des maux gastriques que le plaisir de haïr ne puisse totalement compenser.
Qui sont ces trois tristes élus, qu'ont-ils bien pu faire pour figurer dans la liste noire de Son Pépère ?
Le premier n'est pas forcément un mauvais homme, il lui arrive fréquemment de rendre service aux uns ou aux autres ; mais c'est un sot militant : il s'applique à chasser toute réflexion et tout bon sens de ses pensées. S'il juge condamnable ce qui ne lui est pas immédiatement favorable, il maudit tout autant ce qui arrange ses intérêts et qu'il estime systématiquement insuffisant. Ses discours ne sont que jérémiades et jalousie.
Quant aux deux autres, la marée de la fonction publique les ayant abandonnés à des postes de responsabilité, ils ont pu un temps exercer sans contrainte à la fois force d'inertie et pouvoir de nuisance. L'un n'avait d'objectif professionnel qu'apaiser une épouse bruyante, l'autre voulait se convaincre de sa propre existence en contrant ses collaborateurs. Ils auraient rêvé de se saborder pour le simple plaisir de voir leurs équipes sombrer avec eux.
Son Pépère ne sait pas vraiment pourquoi il a ressenti de l'animosité à l'égard de ces personnages là plutôt que d'autres ; l'essentiel n'est pas là. Quand on s'en tient à une approche statistique de la situation, on arrive à la conclusion frappante que, si à peine trente trois pour cent du ressentiment de Son Pépère va à un Albert, il faut en compter plus de soixante six (le double) à des Bernard ! Ce dernier chiffre nous interpelle, il y a là matière à réflexion : peut-on affirmer sans se tromper vraiment qu'un Bernard est un abruti? Son Pépère le pense et va tenter de le confirmer, en balayant les objections..
Comme il est annoncé plus haut, les personnages publics ne sont pas ici pris en compte. On admettra simplement que Bernard Carpet, escroc public, et Bernard-Marcel Lepont, philosophe à tout faire, allongent la liste des parias, même si Son Pépère ne les connaît pas personnellement.
Précisons que les Bernadette ne sont pas plus concernées ; il est important de toujours bien circonscrire le domaine d'une recherche.
La portée de l'étude étant précisée, l’honnêteté contraint Son Pépère à laisser une porte d'entrée à ses détracteurs : il a compté, parmi ses relations, quatre Bernard fort estimables.
« Comment ! s'insurgeront les plus comptables ! quatre contre deux et la minorité l'emporte ! »
S'il fallait répondre aux attaques, on saurait avancer que la vérité scientifique n'a que faire de la démocratie. Il n'en reste pas moins qu'une explication s'avère nécessaire pour sortir ces exceptions de l'enquête :
Son Pépère a remarqué que deux des Bernard qu'il apprécie ont épousé des Geneviève. Nul n'ignore que Sainte Geneviève fut déclarée patronne de la gendarmerie. Voilà pourquoi un Pol Pot même, qui partagerait la vie d'une Geneviève, ne pourrait être complètement mauvais. Un troisième Bernard, non le moindre(1), vit avec une Nadine. Son Pépère est bien placé pour savoir qu'une Nadine, plus encore qu'une Geneviève, ne tolère aucune entorse à la morale, aucune sortie de route(2). C'est cela qui a sanctifié notre homme, tout Ardennais qu'il fût. En revanche, un de ses compatriotes, Bernard lui-même, qui vit avec une oie au nom de vache, représente la quintessence du minus habens.
Le cas du quatrième « bon Bernard » a donné plus de mal à Son Pépère ; aucune justification des qualités du sujet ne présentait assez de vraisemblance, jusqu'à ce qu'on sût le fin mot de l'histoire : le personnage avait bénéficié d'une erreur de la nature, due à une homonymie approximative, récemment mais tardivement corrigée (voir encadré).
Il est maintenant prouvé que, sauf exceptions dûment expliquées, un Bernard n'est ni recommandable, ni estimable, et se comporte comme un sot. Il convient de s'en méfier et de le tenir à l'écart.
«odi bernardum vulgus et arceo », disait le poète Horace
Ce chapitre ne saurait être clos tant qu'on ne connaîtra pas l'origine de cette singularité. Certes, le grand Saint Bernard lui même était un pousse au crime sectaire. S'il avait été notre contemporain, le très Saint-Père pape Kevin(3) ne l'aurait canonisé que pour se tenir au niveau d'autres religions à la mode. Qui dit toutefois que ce grand prédicateur fut à l'origine de la malédiction? Peut-être sa bernardité(4) lui a-t-elle mis des œillères, le poussant, lui comme les autres, à mettre en avant ses mauvais instincts et son esprit borné.
Quoi qu'il en soit, Son Pépère tient à résoudre l'énigme et lance un appel à témoins : Vous vous appelez Bernard et vous méritez vraiment qu'on vous traite de pauvre type ; vous êtes de mauvaise foi, médisant, râleur et aigri. Si vous avez déjà concrétisé vos plus bas instincts, c'est encore mieux (Bernard tièdes, abstenez-vous !) Écrivez alors à Son Pépère pour lui raconter avec le plus de précision possible ce qui vous pousse à la mauvaise action ou simplement à la sottise, principalement quand on prononce votre nom. Les réponses les plus intéressantes auront l'honneur d'être analysées et publiées sur ce blog. Les plus sincères seront prises en compte dans les statistiques. Si vous avez du mal à rédiger, contentez-vous de remplir par des croix le tableau ci-dessous :

N'oubliez pas de joindre l'attestation d'un membre de votre entourage sous la forme suivante :
Je soussigné(e) (prénom) (nom) certifie que mon (ami, mari, pacson, voisin...) Bernard (nom, adresse) est bien l'authentique crétin qu'il prétend incarner.
date et signature
Cette précaution permettra d'éliminer les mythomanes ; leurs vantardises fausseraient les résultats.

Avant de terminer, lançons d'autres appels à témoins:
  • Vous avez vu qu'un seul Albert est haï de Son Pépère ; c'est insuffisant pour en tirer des conclusions intéressantes. Voilà pourquoi nous vous demandons de nous signaler si l'un de vos voisins, affublé de ce prénom, vous semble mériter qu'on le dénonce : il doit être sournois, retors, un brin pervers, mais non dénué de ruse. Toutefois, si vous même vous appelez Bernard, votre contribution sera rejetée, car biaisant les calculs.
  • Son Pépère connaît quatre Cécile qui sont agréables, gentilles et intelligentes. Avant d'ériger un nouveau principe, il vous demande, vous qui portez ce prénom, de reconnaître en toute honnêteté combien vous correspondez à la description ci-dessus.
C'est ainsi qu'avancent de conserve Science et Connaissance.

La méprise de Dame Nature :
On sait les Bernard sots et ridicules. Voici pourtant l'histoire vraie d'un Bernard différent, telle que Son Pépère en a eu connaissance :

extrait d'un dialogue entre Dame Nature (DN) et son secrétaire particulier (SP) à l'occasion d'une refonte d'inventaire :
« ….........
DN : - où en est-on ? Ha oui, A...(*) Bernard, cette vieille fripouille ! qu'en fait-on ?
SP : - Je ne comprends pas, Dame Nature, le dossier est troublant : le personnage est noté agréable, sympathique, ses filles l'adorent, ses petits enfants sautent sur ses genoux, ses voisins l'estiment. Il n'aurait jamais du recevoir son homologation!
DN : - Stop, mon petit ! sa femme s'appelle évidemment Geneviève ou Nadine !
SP : - Je regrette, Dame Nature, elle s'appelle...
DN [elle devient toute rouge] : – Allô non mais allô quoi ! tu me dis : il s'appelle Bernard et il est sympa, c'est comme si tu me disais je suis fonctionnaire et refuse l'impôt !
SP : - Pourtant, à part le fait qu'il a fumé des gitanes dans sa jeunesse, on n'a rien à lui reprocher...
DN : Fais voir son dossier ! [elle lui arrache des mains]. Bon sang ! mais c'est bien sur ! j'avais lu trop vite ! j'ai cru que c'était Bern' L'Aden. Reconnais qu'une canaille comme ça pouvait bien s'appeler Bernard ! voilà pourquoi je ne suis pas intervenue. J'ai tellement de travail, je suis si mal secondée qu'il peut bien m'arriver de manquer de concentration. Maintenant il est grand temps de réparer l'erreur !
SP : - Dois-je lui envoyer un AVC éclair pour régler la situation ?
DN : - Tu veux rire ! Depuis le temps qu'il passe à travers les mailles du filet ! Ce serait trop facile ! Il a été fumeur ? Colle-lui la maladie qui va bien avec la cigarette, ça lui apprendra à se moquer de nous ! »
Et c'est ainsi que Dame Nature, qui, pour être bonne, n'en est pas moins une peau de vache, vint à bout d'un Bernard qui avait, bien malgré lui, fait mentir la Statistique.
(*) A..... : comme toujours, par délicatesse, son Pépère masque les noms.
  1. non le moindre : ce Bernard là donne en effet à qui la lui demande la recette ardennaise de son vin d'épine.
  2. sortie de route : des historiens inspirés auraient démontré que l'empereur Néron, si son impératrice se fut prénommée Nadine, aurait été le plus doux des moutons. Bien sur, il est toujours loisible aux esprits forts de réfuter les arguments de la Science.
  3. pape Kevin : ici encore, par souci de discrétion, Son Pépère a changé le nom du Souverain Pontife.
  4. bernardité : il s'agit là d'un terme technique; les dictionnaires l'adopteront un jour.




vendredi 3 mai 2013

La marche nordique

Son Pépère a une vie riche et bien remplie. Il a donc décidé de créer une série de fiches techniques pour faire profiter le monde de ses belles expériences.

Soucieux de maintenir sa ligne parfaite, désireux de parcourir la campagne et de faire des rencontres, Son Pépère s'est adonné à la marche nordique. Il a pensé qu'il lui serait ainsi facile de garder sa santé au niveau florissant qu'elle affiche constamment. Il se réjouit sournoisement à l'idée de mettre par là même en difficulté la caisse de retraite qui commet l'imprudence de lui verser une pension.
Afin de donner un coup de pouce à tous ceux qui voudraient lui emboîter le pas, Son Pépère va transcender ici son vécu.

1 Les aspects administratifs :
Dans la bonne ville de La Nostérieure, les retraités sont rois, des tapis rouges leur sont déroulés. Mais jusqu'à l'an dernier, de notre sport préféré il n'y avait point. Voici donc comment ce manque fut comblé :
Pour créer une section de marche nordique, il suffit de disposer de plusieurs pionnières -deux, c'est un optimum. Ces dames, blondes, obligatoirement prénommées Annick,(1) ont le don d'accomplir toutes les démarches administratives. Il est vain de penser qu'un escogriffe à chapeau, qui ne répond même pas au prénom de Patrick, peut accomplir ces missions. C'est pourtant le triste exemple que donne la bourgade voisine de Rocaillon; soyons charitables et n'en parlons plus.
Le choix des animateurs est fondamental. On a vu que la marche nordique s'épanouit sous la férule de quelques Annick; il n'est toutefois pas impossible de fonctionner avec seulement une ou deux Monique, au pire trois ou quatre Dominique. Mais les Margot devront se cantonner aux ateliers tricots, les Pauline à la cuisine, les Hortense à la danse, les Renée à la randonnée; le lecteur aura compris le principe. Son Pépère a connu une Anastasie qui avait monté une gentille section euthanasie. Les fonds de pension applaudissaient l'excellent fonctionnement de l'activité, aujourd'hui disparue avec sa créatrice. Une Suzie suffirait-elle à la remettre sur pied? on ne le sait.

2 L'organisation :
Chacun sait que le retraité est frondeur et polisson. Il marche du mauvais côté du sentier, il traverse les chemins sans prendre garde aux tracteurs gérontophages. On en voit même qui s'arrêtent cueillir des anémones, qui se cachent dans les fourrés, qui musardent ou au contraire  font les malins en tête. Il est donc important de disposer d'un solide service d'ordre pour contenir les débordements. On fait appel pour cela à des volontaires. Quelles donc sont les qualités requises pour devenir un bon garde nordique? Ne banalisons pas la grandeur de la mission, mais reconnaissons qu'elles se résument à quelques points :
  •  jouer du sifflet harmonieusement mais fermement.
  •  accepter de se voir implanter le gêne de la luciole qui rend phosphorescent, et faire tatouer son prénom sur l'épaule.
  •  garder sa réserve, ne montrer de sympathie à personne afin de mieux asseoir son autorité.

On veillera à distinguer le plus vaillant, qui devra, pendant l'exercice, faire preuve d'ubiquité; c'est pourquoi on préférera un Pierre. On se souvient d'un illustre prédécesseur qui inventa le premier calembour en disant :"...sur cette Pierre je bâtirai mon église..." Nous resterons modestes et nous contenterons de ces deux octosyllabes:
          Qui est devant, qui est derrière?
          Ne cherchez pas c'est Super Pierre!(2)
En d'autres circonstances, on aurait pu dire :
          Qui est derrière qui est devant?
          Craignez manants, c'est l'gars Christian!
Mais la rime était moins riche.

Il faut maintenant compléter l'équipe ; avides de gloire, les derniers volontaires ne manquent pas de se manifester. On les fait signer aussitôt.






3 Les membres du club :
Dès que l'encadrement est constitué, il est nécessaire d'avoir des troupes de qualité. Voici les maîtres-mots d'un bon recrutement :
  • - Se cantonner strictement aux retraités. Les jeunes en effet sont joueurs et sentent mauvais. Ils sont mieux employés à travailler pour entretenir leurs aînés.
  • - S'il est possible de tolérer en nombre limité un Michel ou un Jacques, on doit privilégier autant qu'on le peut les adhérents masculins dont le prénom, composé, commence par Jean. On acceptera sans réserves ces derniers, et on exclura sans pitié les Kevin et les Nathan qui, forcément, se tromperaient de génération. Les dames, elles, pourront s'appeler comme elles le souhaitent, à l'exception des Manon, Chloé et autres Lilou!
  • - Les bavards et les plaisantins seront refoulés; les sports quels qu'ils soient doivent se pratiquer dans le recueillement, chacun sait en effet que les pitreries continuelles de certains sont vaines et lassantes.
  • - La ponctualité, politesse des rois, est strictement requise. Les retards doivent être justifiés. On connaît une C.....(3) qui arrive fréquemment quelques secondes après l'heure collégialement fixée. On ne lui pardonne qu'en raison des conditions difficiles dans lesquelles elle vit. Elle loge en effet dans une demeure de fortune, à Tabouray-le-Roturier, au fond d'un bois humide. L'hiver, elle doit casser la glace pour se laver et prendre son maigre déjeuner. Qui aurait le cœur assez dur pour lui reprocher des manquements, même graves, à l'horaire?

 
4 La pratique de l'activité :
Il est bien connu que la marche nordique se pratique avec un traîneau empli de peaux de castors tiré par des chiens, tandis que les loups hurlent dans le
lointain(4), guettant les retardataires. Le blizzard brûle le cuir tanné du sportif; tandis que les rivières gelées se refusent à l'abreuvement des hommes et des bêtes.
Disposant, croyait-il, du matériel canin nécessaire, Son Pépère a tenté de reconstituer les conditions d'origine. Il a déchanté rapidement, car tous les membres de la gent canine ne sont pas d'égale intelligence. C'est pourquoi il fut établi que des bâtons forgés dans un acier dûment carboné remplaceraient à l'avenir les animaux. C'est sous cette forme larvée que notre sport préféré est aujourd'hui pratiqué en Europe.


















La technique est d'une simplicité enfantine : pour avancer, on s'appuie sur les bâtons en prenant soin de ne pas les tenir dans la main. Relever le petit doigt pendant la progression n'est pas obligatoire; cette posture est toutefois bienvenue pour qui veut montrer un peu de distinction dans ses manières.
Enfin, on ne doit pas oublier l'essentiel : les échauffements et les étirements. Il s'agit là de pratiques religieuses destinées à rendre grâce à quelque Dieu nordique. Sous la houlette d'un animateur, toute l'assemblée se livre à des contorsions et danses rituelles avant et après la séance. Le tout se termine quand on se tord les mains en signe de désespoir pour attirer la pitié des cieux sur la météorologie de nos sorties.





Son Pépère a maintenant terminé cette fiche. N'hésitez pas à lui écrire pour le féliciter, ou pour lui rappeler les points qu'il aurait omis et qui vous paraîtraient importants.




(1) blondes, obligatoirement prénommées Annick : Ces points sont débattus; quelques finasseurs préféreraient que la marche nordique soit gérée par des Annique, ou que les Annick s'adonnent à la marche nordick. Pourquoi se montrer si intransigeant? Avec un peu d'ouverture d'esprit, on peut bien aller jusqu'à tolérer qu'une Annick soit brune sans que l'exercice ne doive pour autant se dire méridional.
(2) Super Pierre : cette poésie traditionnelle peut se présenter sous une autre forme: on entend parfois "l'ami Pierre". Son Pépère penche plutôt pour la première version, les encadrants en effet ne doivent pas être amicaux; sinon c'est bien vite la chienlit dans la troupe.
(3) C..... : Son Pépère est soucieux de ne pas étaler la vie privée, fût-elle exemplaire, de ses amis. Il a soin de protéger l'anonymat de celle à qui des parents bienveillants ont donné le doux nom de la sainte patronne des musiciens.
(4) loups hurlent dans le lointain : il existe une variante nommée marche désertique, où les loups sont remplacés par des vautours. Elle compte peu d'adeptes dans nos contrées.
 retraite sportive La Ferrière